Le phénomène « balala rondo » à Uvira: Une épine dorsale de la sécurité

To protect their neighbourhoods against the rampant criminality that engulfs the city of Uvira, in South Kivu province, youth conduct nightly patrols. These patrol groups are also known as ‘balala rondo’ from the Swahili word kulala (to sleep) and the French word la ronde (patrol). These groups first emerged on the eve of the First Congo War in 1996, when cross-border movements of rebels contributed to a spike in insecurity. Since then, the movement has ebbed and flowed, depending to a large extent on whether urban authorities and security services have permitted or prohibited their activities. In this blog, Oscar Abedi analyzes to what extent the balala rondo contribute to bringing security or insecurity. He describes a number of ways in which these groups create insecure for residents, such as by collaborating with Mai Mai groups or by claiming to be able to identity and arrest witches at night. Yet, as he concludes, Uvira’s inhabitants see these groups overwhelmingly in positive terms, having more trust in them than in the state security services.

 

La ville d’Uvira dans la province du Sud Kivu, frontalière du Burundi, est depuis longtemps la proie à une grave insécurité : vols à mains armés, braquages, assassinats et autres formes de violence battent leur plein. Pour s’auto-sécuriser en patrouillant dans leur quartier pendant la nuit, les jeunes d’Uvira se sont organisés dans des groupes dits « balala rondo » (du mot Swahili kulala « dormir » et le mot Français « la ronde »). Ce blog analyse les origines et l’évolution de ces groupes ainsi que la question de savoir si ces jeunes patrouilleurs contribuent toujours à la sécurité ou si ces groupes eux-mêmes peuvent aussi constituer une source d’insécurité. Selon la population, les actions des « balala rondo » sont à la fois positives et négatives.

 

L’émergence de l’ « auto-sécurisation »

Sur fond d’insécurité récurrente dans la cité d’Uvira, le mouvement « balala rondo » a été créé en 1996 par  l’ancien mwami (chef coutumier) des Bavira LENGHE II à la veille de l’avancée des troupes de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL). Ce phénomène disparut momentanément avant de renaître en 1998 sous la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), qui a encouragé l’auto-sécurisation de la population.

En 2012, le mouvement va renaître suite à une recrudescence des vols à mains armées et attaques répétées à la grenade. Vu aussi les effectifs très réduits des éléments de la Police nationale congolaise (PNC) et des Forces armées de la république démocratique du Congo (FARDC) dans la ville, les sages (les vieux qui assiste le mwami dans la cour royale) avaient décidé de créer de nouveau les groupes des patrouilleurs afin d’apporter un coup de main aux forces de sécurité.

En effets ces forces  ne se trouvaient seulement pas débordées par la volatilité de la situation sécuritaire, mais elles  étaient aussi pointées du doigt comme présumés auteurs de l’insécurité. Avec l’arrivée des jeunes balala rondo, la situation sécuritaire pu relativement s’améliorer. En fait, la population avait plus confiance aux balala rondo qu’à l’armée régulière. Comme résultat, le mouvement s’étendit dans les zones rurales, comme à Luvungi, Bwegera, Baraka, jusque dans la cité minière de Misisi.

 

Des contributions obligatoires aux « volontaires » ?

De manière générale, les jeunes balala rondo relèvent de l’autorité des chefs des quartiers qui s’entourent des chefs d’avenues.  Les jeunes balala rondo sont sélectionnés par ces chefs des quartiers. Ces derniers ciblent un jeune ayant atteint l’âge majeur dans chaque famille.

Les jeunes balala rondo passent toute la nuit en train d’organiser des patrouilles dans les avenues pour s’assurer de leur sécurité. Malheureusement, ils ne disposent pas d’assez d’équipement pour faire effectivement ce travail, indiquent-ils. C’est pourquoi ils sont souvent appelés des « volontaires ». Ils ont des lampes torches et bâtons et chacun porte les habits trouvés de ses moyens propres notamment des jackets, babouches, ketches ou vielles bottines. Dans certains quartiers, notamment Nyamianda, Songo, Kasenga, Kilibula, les balala rondo patrouillent avec des machettes et gourdins. 

Dans chaque quartier, les balala rondo se ravitaillaient en argent moyennant une cotisation de 500  francs congolais (USD 0.3) par ménage, ainsi que des vivres et non vivres collectés dans les  marchés les plus proches.  Ceci leur sert à trouver les matériels nécessaires pour bien exécuter leur travail pendant la nuit. D’une part, la population pensait aider les jeunes qui font la sécurité, mais d’autre part, ces contributions commençaient à paraitre comme un rançonnement.

Les jeunes patrouilleurs sont organisés de façon hiérarchisée. A la tête de chaque groupe, il y a un président que l’on peut appeler, abusivement, commandant. Il est assisté par deux adjoints, un ou deux secrétaires, celui qu’on appelle, comme dans l’armée régulière, un  « S4 » (chargé de la logistique),  parfois un « S3 » (chargé des opérations) et un chargé de discipline.

 

Source de sécurité et d’insécurité

Au départ, l’implication des jeunes balala rondo dans la gestion de la sécurité fut appréciée par les populations et autorités. Mais, par la suite, cette implication fut contestée par ces mêmes autorités qui estimaient que ces jeunes étaient exposés à l’insécurité, mettant en danger leurs vies. Selon eux, ces jeunes n’avaient pas les instructions et une formation sécuritaire sûre. Avec l’évolution de leurs activités, les jeunes balala rondo commençaient même à se substituer aux soldats FARDC et à la PNC

En outre, il peut y avoir des connections entre les balala rondo et quelques Mai-Mai vivant dans les collines surplombant Uvira. L’évènement malheureux de février 2013 en est une illustration.   En effet, des coups de feu avaient  retenti dans les quartiers Kasenga, Kibondwe et Mulongwe entre les éléments FARDC et les balala rondo qui, à l’époque, étaient manipulés par le colonel auto-proclamé Makanaki, alors en retranchement à Kayaja/Mulongwe. Toutefois c’est rare de rencontrer parmi les patrouilleurs balala rondo des éléments ex-démobilises. C’est seulement  dans les quartiers Kasenga, Kalundu et Songo où nous avons trouvé des démobilisés au sein de ces groupes.

Une autre façon dont les balala rondo peuvent contribuer à l’insécurité est de surprendre des gens qu’ils qualifient des sorciers la nuit, une pratique courant dans les quartiers de Rugembe/Kalundu et Kasenga. Cette dimension résulte de la prise de ce qu’ils appellent : bouillie ou «dawa», un gris-gris qui, selon eux, les rend invulnérables contre tout objet létal. Les effets du dawa leur donnerait aussi la force de maitriser les présumés sorciers nocturnes. Une fois capturés, pour être libérés, ils exigent de ces sorciers, des amendes variant entre USD 400 ou une vache.

Dans certaines parties d’Uvira, les balala rondo sont aussi cités dans la justice populaire. Quand il y a décès soudain d’une personne dans un quartier, des présumés sorciers sont vite doigtés et parfois lynchés par les jeunes en colère. Toutefois, il y a aussi plusieurs cas où les balala rondo ont sauvé la vie  des présumés sorciers ciblés par la colère populaire.

En plus, les services de sécurité considèrent l’émergence des balala rondo comme une bombe à retardement. En effet, le développement de ce mouvement aux contours flous a été  imprévisible au point de transformer les jeunes impliqués en une milice locale. Effectivement, parmi les premiers groupes de patrouilleurs de 1996, certains jeunes sont devenus plus tard des combattants Mai-Mai. Cette dynamique, née des évolutions sécuritaires des quartiers, s’enracina dans les quartiers Kavimvira et Kalundu.

Cependant, avec la montée de l’insécurité dans la ville d’Uvira observée ces derniers temps, les jeunes commencent de nouveau à se mobiliser bien que cela ne soit pas encore accepté par l’autorité publique. Comme cette dernière n’arrive pas à maitriser la situation sécuritaire qui reste volatile, les jeunes des quartiers Kabindula et Kasenga ont déjà relancé le mouvement. Néanmoins, dans des communes rurales, comme à Luvungi et Bwegera, le mouvement avait de nouveau vu le jour par l’autorisation des certains candidats députés qui leur avaient doté des moyens de communication.

Bien que le débat reste encore autour du fonctionnement  et du statut légal de ces structures, il est difficile pour le moment d’enlever dans la tête des populations d’Uvira la confiance qu’elles placent à l’égard des balala rondo plutôt que dans les éléments des FARDC et  PNC.

 

USAID

 

 

 

 

This blog is made possible by the generous support of the American people through the United States Agency for International Development (USAID). The contents are the responsibility of the author and do not necessarily reflect the views of USAID or the United States government or the Rift Valley Institute.

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