La tracasserie prend le dessus sur la sécurité au port de Goma

Le port de Goma sur le lac Kivu © Evariste Mahamba

Roadblocks—infamous for the informal fees travellers must pay—are often thought to be found exclusively in rural areas. Yet, as Evariste Mahamba shows in this blog, the harbor of Goma also has a history of roadblocks. Having become hotspots of extortion, pressure mounted from citizen movements to dismantle the roadblocks. Recently, the new mayor of Goma acquiesced to these demands and decided to suppress the roadblocks. While a positive move that was widely welcomed, various types of extortion in the harbor have continued. For example, travellers and traders pay fees to intelligence services, the navy, the river police and the Centre Fundi Maendeleo (CEFUMA)—an agency of the Directorate General for Revenue of North Kivu (DGRNK). At the same time, other forms of insecurity have intensified, in particular the theft of motorcycles. This raises the question of whether those who lost their income due to the suppression of the roadblocks have developed other means to compensate.

 

A l’entrée comme à la sortie du port de la ville de Goma, on assiste à une scène spectaculaire. À l’arrivée, chaque passager se voit envahi par des agents étatiques dits « des services de sécurité ». Ces agents, notamment de l’Agence nationale des renseignements (ANR), de la police lacustre, des forces navales et de la garde républicaine, s’empressent pour approcher le nouveau arrivé non pour le sécuriser mais, en réalité, pour le rançonner.

Toute une gamme de taxes existent qui varient selon la personne taxée. Un passager victime de ces tracasseries de motivation pécuniaire regrettent : « Nous sommes en difficulté ici avec les taxes. Il y a le Centre Fundi Maendeleo (CEFUMA) qui perçoit 2 US$ par sac de 100 Kg et 1.5 US$ pour un carton. Un ballon des habits usagers paie 3 US$. Nous nous interrogeons sur la destination de ces fonds. » Tout comme ce passager, des nombreux trafiquants du port de Goma connaissent eux-aussi cette tracasserie. Elle s’opère non seulement sur les passagers, mais aussi à tous ceux qui font le trafic sur le lac Kivu. Des femmes vendeuses de la braise, par exemple, se plaignent :

« Nous femmes qui amenons la braise d’Idjwi jusqu’ici à Goma, nous souffrons beaucoup. Nous payons la taxe appelée CEFUMA. Nous payons aussi les commissaires maritimes, la police et les marins et plusieurs autres taxes. Nous payons 3000 Francs Congolais (FC) à la police, 10 000 FC aux marins, 500 FC) par sac au CEFUMA, et 10 000 FC aux commissaires maritimes. Pour qu’un sac puisse arriver ici, nous sommes obligés de débourser 4500 FC. Que les autorités nous aident à réduire ces taxes. Qu’on enlève tous les auteurs de cette tracasserie. »

Signalons que parmi le service qui perçoivent plus les taxes l’on cite le CEFUMA. Ce service est une branche de la Direction Générale des Recettes du Nord-Kivu (DGRNK). En tout, un passager avec de colis paie entre 10 et 30 dollars à tous ces services. Les victimes se plaignent de cette situation et réclamaient le changement :

« Nous demandons au nouveau régime d’apporter le changement ici au port. Nous savons qu’aucun pays au monde ne peut fonctionner sans taxe. Mais il faut éviter cette multiplicité des taxes pour la plupart illégales. Ailleurs, il vous suffit de payer une seule fois et vous circulez sans difficulté. Mais ici, on fait face à plusieurs taxes à la fois. C’est ce qui cause la honte au Congo. »

 

Les barrières illégales supprimées

Une cible spécifique de ces lamentations sont les barrières qualifiées « d’illégales » par les citoyens qui étaient érigées par l’ancien maire de Goma à l’entrée du port. Plusieurs personnalités ainsi que des mouvements citoyens dénonçaient notamment le rançonnement des personnes de passage au port. Ainsi, des manifestations des mouvements citoyens, notamment de la Lutte pour le Changement (LUCHA), renforçaient la pression sur les autoritées en réclamant l’annulation de ces barrières. Tandis que le maire actuel de la ville de Goma dit « ignorer » l’initiative desdites barrières, la mairie a répondu aux réclamations populaires en supprimant les barrières. Le maire affirmait que la décision du démantèlement a été prise par le comité provincial de sécurité :

« Nous avons décidé d’enlever ces barrières parce que nous ne connaissons pas qui les avait érigées au niveau du port. La mairie ne connaît rien. La province mêmement. Presque toutes les autorités et institutions étatiques ne connaissent rien de ces barrières. Chaque chose doit avoir des supports. Ce sont des histoires montées par des privés ».

Au sujet des fonds perçus par les taxateurs affectés à ces barrières, le maire dit ignorer leur destination. « Ce sont ces privés qui connaissent la destination de cet argent. Ce n’est ni aux finances de la mairie, ni dans la caisse du gouvernorat », affirme Mwisa Kense Timothée, l’actuel maire de Goma.

 La suppression de ces barrières situées aux deux entrées du port a été saluée par les acteurs politiques et ceux des mouvements citoyens. Un taximan de moto, se réjouissait : « Nous sommes ravis que ces voleurs soient chassés des entrées principales du port. Nous étions obligés de les payer à chaque passage et nous ne savions pas où allait cet argent. Nous félicitons les autorités pour avoir mis fin à ces tracasseries ». Un motif de satisfaction aussi pour le mouvement citoyen Lucha. Le militant Espoir Ngalukiye a indiqué :

« Nous sommes très contents du fait que depuis une ou deux années, nous nous sommes battus pour mettre fin à ces tracasseries. Nous ne manifestions pas pour la suppression des barrières mais pour l’interdiction de la perception de l’argent à ces barrières. Sécuriser le port c’est légal mais piller la population est illégale. Nous serons plus contents lorsque l’autorité va renforcer la sécurité au niveau du port ».

Et le député provincial Ushindi Kyalondawa expliquait :

« C’est une victoire du peuple par ce que le peuple a le dernier mot à dire. Le peuple nous a accompagné et voilà que nous venons de trouver une solution. Nous le disions, ces barrières étaient devenues des espaces où les tracasseries régnaient en maitre. La population a été rançonnée. Nous avons même au niveau de l’assemblée provinciale mis en place une commission d’enquête pour vérifier où allait tout l’argent perçu à ces barrières, mais nous avons été bloqué par certaines autorités »

 

Les tracassaries continuent

Malgré cette bataille gagnée contre les barrières, d’autres formes de tracasseries continuent. Au lieu de sécuriser les passagers, les services de sécurité continuent à imposer des taxes illégales. Une victime raconte :

« Il y a bel et bien des tracasseries ici au port. Nous avons salué la suppression des barrières à l’entrée comme à la sortie du port. Mais il n’y a pas eu grand changement au port. 800 FC sont payés au CEFUMA avant d’entrer dans le bateau. La DGM perçoit 500 FC sur chaque passager. C’est vraiment des tracasseries. Il y a des mamans qui font des navettes entre Idjwi et Goma. Un sac des braises paye 1 US$. Il y a des militaires qui perçoivent 1000 FC sur le même sac. Nous nous demandons pourquoi les choses n’avancent pas à Goma alors que le changement a été enregistré dans d’autres milieux. »

Certains motards parlent aussi de l’insécurité au port dont ils sont victimes depuis ces derniers mois. Ils disent avoir enregistré le vol de 3 motos depuis le début de cette année et pointent le doigt accusateur vers certains services de sécurité. En effet, c’est depuis le démentiellement des barrières situées à l’entrée du port en février 2019 que cette nouvelle forme d’insécurité sévit au port de Goma.

Avec l’ancien maire sa nomenclature exigeait le paiement de 5$/ camion-remorque, 2$/camionnette, 1$/voiture et 100 FC/moto. Le maire quant à lui avait indiqué que la taxe contribuerait à l’assainissement de la ville, à la lutte contre le banditisme au port, à la fluidité de la circulation, à la lutte contre les tracasseries des agents de l’ordre et à la sécurité au port. Malgré la suppression des barrières au port de Goma cette insécurité a pris une autre forme inquiétante dont on ignore la main qui est derrière ça. Aussi la question qui demeure sans réponse c’est de savoir si l’argent perçu par ces différents services au port contribue réellement à renforcer les services publics et quelle en est la destination.

 

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