The growing insecurity in the city of Goma created by maibobo or street children, prompted the creation of the so-called anti-gang in 2007 around Virunga market. The anti-gang is a group of youth who ensure security in a particular area, including by tracing stolen property and tracking down and dispelling maibobo. In this blog, Axel Barengeke traces the historical evolution of the anti-gang from their emergence until today. Since 2011, successive mayors of the city, as well as provincial members of parliament and heads of security services, have been opposed to the anti-gang, which have therefore been prohibited. Yet, the financial contributions that the anti-gang collected from shops and street vendors made the model attractive to others. As a result, more than a dozen anti-gang groups operate in Goma today, with many brandishing photocopies of the authorization to operate from before 2011. Although they formed to combat insecurity, these groups often behave more like gangs than anti-gangs, and are accused of theft, robbery, rape, extortion, maltreatment and assault.
Depuis plusieurs années, la ville de Goma est devenue le théâtre d’insécurité causée par des bandits armés et non armés, opérant de manière sporadique et parfois régulière dans plusieurs quartiers.
Cependant, à partir de 1994, une autre forme de banditisme s’est manifestée et intensifiée beaucoup plus qu’avant. Il s’agit notamment du phénomène « enfants de la rue », appelé « maibobo » dans le jargon urbain local. Cette nouvelle forme d’insécurité s’est développée progressivement au point de devenir un danger public au vu d’actes inciviques que ses acteurs infligent à la paisible population. Il est même arrivé un moment où, en pleine journée, ces jeunes maibobo pouvaient ravir, sans être inquiétés, des objets de valeur (téléphone, lap top, sac à mains etc.), devant l’œil impuissant des passants.
Émergence et évolution d’« anti-gang »
C’est pour lutter contre cette forme de banditisme de plus en plus dangereuse, que l’anti-gang est fondé à Goma en octobre 2007 au marché central de Virunga où les maibobo faisaient la loi, comme écrit Maarten Hendriks. Comme ce dernier l’a documenté, c’était à l’issue des discussions entre le président de ce marché Mr Faustin Kambale et un entraineur d’arts martiaux, que les deux personnes s’accordèrent que ce dernier devait traquer les maibobo. L’objectif de l’anti-gang était ainsi de neutraliser les enfants de la rue et les jeunes délinquants, récidivistes et récalcitrants au processus de paix. À l’époque, l’entraineur recruta 7 autres karateka et/ou judoka pour l’aider à accomplir cette tâche. En contrepartie, le président du marché convainquit les vendeurs dudit marché de cotiser hebdomadairement 200FC (0,12 US$) pour le bon fonctionnement de l’anti-gang.
Au vu du succès enregistré au marché de Virunga, selon Hendriks, l’ancien Maire de la ville de Goma (Polydore Wundi de 2005 à 2008) récupéra l’idée et octroya même des cartes de service aux membres de l’anti-gang, sur lesquelles on pouvait lire « auto-prise en charge ».
En août 2008, Mr Roger Rachidy Tumbula fut nommé à la tête de la mairie de Goma et autorisa l’anti-gang à opérer sur l’ensemble de la ville mais sous la supervision de la Police nationale congolaise (PNC). En réalité, la PNC ne supervisait pas l’anti-gang. Comme résultat, ce dernier devint de plus en plus un groupe violent vis-à-vis des jeunes délinquants attrapés.
Depuis août 2011, après la suspension de Rachidy Tumbula, ses successeurs à la mairie de Goma, notamment Jean Busanga Malihaseme (août 2011), Naasson Kubuya Ndoole dit Kundos (juillet 2012), Dieudonné Malere Ma-Micho (août 2015) et actuellement Timothée Muissa Kense (février 2018); toutes ces autorités n’étaient plus favorables aux activités de l’anti-gang. L’exception faite Dieudonné Malere Ma-Micho qui, dans un premier temps, voulait même transformer ce groupe en une « Force Spéciale ». Il ne put réaliser son projet suite à l’opposition de certains députés provinciaux et agents de sécurité du Nord-Kivu qui se méfièrent de voir des civils maintenir l’ordre public quotidien plutôt que la PNC.
S’agissant du fonctionnement, l’anti- gangs était souvent déployé dans les coins jugés chauds et insécurisés de Goma, notamment le marché de Virunga, l’entrée de l’Hôtel Joli, la Station Simba au Quartier Ndosho, l’axe Terminus, le Rond-Point Rutshuru, etc. Au fur à mesure que l’anti-gang opérait, ses membres commencèrent à exiger des propriétaires des boutiques et magasins longeant les artères principales de la ville une petite contribution en espèces, variant entre 200 Francs congolais (FC) (0,12$) et 500FC (0,31$) par semaine et par boutique. L’anti-gang prétextait qu’il s’agissait des frais de couverture de charge de protection contre d’éventuels bandits.
De l’ anti-gang aux gangs
Comme noté ci-haut, l’autorité urbaine n’était plus favorable aux activités d’anti-gang de telle sorte que nombreux parmi eux furent arrêtés par la PNC. Comme résultat, l’entraineur d’arts martiaux, le chef de file d’anti-gang à Goma, se découragea.
Bien que les autorités urbaines et agents de l’ordre aient découragé les opérations d’anti-gang, l’argent collecté hebdomadairement a attiré beaucoup d’autres gangs et bandits de Goma de profiter de cette contribution financière pour créer leurs propres groupes rivaux opérant dans différents axes de la ville. Visiblement, on est passé de l’anti-gang aux gangs. Actuellement, on dénombre plus de treize groupes des gangs qui opèrent sans aucune autorisation légale, à part de vieux ordres de mission délivrés par l’ancien Maire de Goma. Eparpillés dans Goma, ces groupes sont notamment : Groupe 40.000 gangs (terrain Kabasha/Ndosho), Vichwa Viozo (ou têtes pourries en français), Groupe Taichi, Groupe Orphelins de Mamadou (terrain Kabasha), Groupe Al-Qaïda (entrée CBCA/Ndosho), Groupe Nyasho-Nyasho, Groupe Afazali dit Apha BLACK, Groupe Kalyoto (derrière le marché Nyabushongo), Groupe Jefté, Groupe Sema Tena, Groupe DAU-DAU (à Terminus), Groupe Ecurie des noirs (dit Groupe OSSO OSSO à Nyabushongo). Soulignons que parmi ces nouveaux groupes, figurent certains membres de l’anti-gang originel. D’autres parmi eux sont embauchés comme gardiens de boites de nuit de fortune, ou par l’Association des chauffeurs du Congo (cas du Groupe Kizito).
Pour légitimer leur prétendue lutte contre les « maibobo », tous ces nouveaux groupes rivaux de gangs utilisent de vieux et obsolètes ordres de missions (sous forme de photocopies), car expirés il y a plusieurs années. C’est ainsi que tous les autres bandits, et jeunes délinquants opérant dans Goma se sont transformés en groupes de gangs sous le même prétexte. Ils deviennent un véritable danger pour la population au vu d’actes inciviques qu’ils posent. Ironiquement, quelques gangs avec lesquels nous avons échangé dans le cadre du projet Solution pour la paix et le relèvement (SPR) exécuté par Pole Institute n’acceptent pas l’appellation « gangs ». Ils s’appellent (et préfèrent qu’on les appelle) « anti-gangs ». Pourtant, les actes qu’ils posent et leurs modes opératoires contredisent les pratiques de l’anti-gang originel de Goma.
Modes opératoires des gangs
Selon les résultats d’entretiens de groupes, les chefs des bandes des gangs communément appelés « Maîtres » déploient des jeunes sportifs sur le terrain (des quartiers) sous prétexte d’assurer la sécurité des populations alors que ces derniers ne font que poser des actes de banditisme. Ils coordonnent leurs actions sur terrain par téléphone ou en procédant à la ronde. Certains groupes disposent d’un nombre importants de membres difficile à coordonner une fois sur terrain : cas du groupe dit 40.000 gangs disposant d’une dizaine de jeunes délinquants aux poitrines bombées, drogués et difficiles à contrôler.
Pour leur fonctionnement, deux interlocuteurs de la structure de la jeunesse du Quartier Ndosho et de la Cellule de Paix et du Développement du Quartier Mabanga-Nord nous ont affirmé que ces groupes collectent aussi des fonds (200FC par semaine) comme le faisait le groupe d’anti-gang originel. Dès le départ, cette collecte était volontaire et la population la trouvait normale. Mais, au fil des temps, elle est passée du volontariat à la tracasserie.
Dans Goma, les groupes de gangs sont partout accusés d’actes inciviques envers la population. Ces actes se manifestent par le banditisme, le harcèlement, la tracasserie, les viols et vols à la tire d’objets de valeur (téléphone, bijoux, sac à main, etc), coups et blessures, perception illégale de taxes, injures publiques et dépravation des mœurs.
Malgré les efforts fournis par les uns et les autres particulièrement les agents de l’ordre et les autorités urbaines, l’activisme des gangs reste décrié par la population. La PNC, l’Agence nationale des renseignements (ANR) ainsi que d’autres services de sécurité de Goma devraient s’impliquer davantage pour mettre fin à ce phénomène qui a trop perduré et qui menace la quiétude de la population.
This blog is made possible by the generous support of the American people through the United States Agency for International Development (USAID). The contents are the responsibility of the author and do not necessarily reflect the views of USAID or the United States government or the Rift Valley Institute.