Comprendre les vols à main armée et le cambriolage à Uvira

The city of Uvira in South Kivu province has long been a hotbed of armed criminality. The victims of these attacks are primarily small-scale economic operators, such as shopkeepers, money changers and those selling phone credits. In this blog, Juvénal Twaibu analyses the causes of the elevated levels of armed robbery in Uvira.

He ascribes these to a number of factors:

  • The failure of disarmament, demobilization and reintegration processes, leading to the presence of demobilized soldiers who are not well looked after.
  • Difficulties in army reform processes contributing to soldiers collaborating with criminals.
  • The porous nature of international borders, rendering Uvira vulnerable to criminals operating in a cross-border manner.
  • Immense poverty.
  • The weakness of judicial and penitentiary institutions.

While armed robbery has become a permanent feature of Uvira’s security predicament, crime levels have fluctuated over time. One reason for these fluctuations is that the security services in periods of lower crime were much more effective—for example, conducting cordon and search operations, and arresting recidivists—due in part to the redeployment of military officers known to encourage crime. This shows that armed robberies in Uvira are not inevitable and can be effectively tackled.

 

Une vue aérienne de la cité d'Uvira, dans la province du Sud-Kivu (RDC) © Radio Okapi/John BompengoDepuis des décennies, la ville d’Uvira est caractérisée par des cas de vol avec usage d’armes à feu et le cambriolage, qui consiste à s’introduire par effraction dans des habitations de paisibles citoyens. Jadis, l’une des cités de la province du Sud-Kivu, Uvira a été érigée en ville depuis le décret no 13/029 du 13 juin 2013 du 1èrMinistre. Depuis lors, Uvira est  détachée du territoire portant le même nom.  

Les cibles des vols à main armée et des cambriolages sont surtout des travailleurs des petites ou moyennes entreprises comme : les changeurs de monnaie, les petits trafiquants les revendeurs d’unités, les agents des sociétés de télécommunications, les revendeurs des pièces de rechange des motos et véhicules, et les trafiquants des minerais. La présence des personnes démobilisées des groupes armés, des milices armés se trouvant dans les plateaux qui surplombent la ville ainsi que d’acteurs étatiques de sécurité qui coopèrent illicitement avec de jeunes désœuvrés favoriseraient davantage le développement de cette criminalité. En gros, celle-ci découle de l’échec des divers processus de réforme du secteur de sécurité initiés au Sud-Kivu causant  la circulation d’armes et munitions de guerre ainsi que la détention de celles-ci par des personnes non reconnues par la loi.  

 

Les origines de l’insécurité

Comment le vol à main armée est-il devenu une réelle criminalité à Uvira ?

Selon plusieurs rapports d’ONG des droits humains et des études menées par les instituts des recherches, notamment l’IFRI, le vol avec usage d’armes à feu tire principalement son origine dans la pauvreté de la population. Selon la Banque Mondiale, en 2012, autour de 64% de Congolais vivent en dessous du seuil de pauvreté (1,90 US$ par jour).

À cause de cette pauvreté, tout le monde cherche des moyens de survie, illicitement ou non, pour subvenir aux besoins quotidiens. Malheureusement, certaines personnes s’accaparent d’armes à feu, souvent achetées au marché noir, prêtées par les militaires complices ou encore cachées lors de la reddition d’un groupe armé pour commettre des actes criminels.

D’autres facteurs sous-jacents à l’insécurité sont liés à l’échec des différents processus de désarmement, démobilisation et réinsertion  (DDR).  En effet, des combattants issus des groupes armés ayant opté pour la vie civile ou l’intégration dans l’armée nationale n’ont pas souvent été satisfaits des conditions de leur intégration. C’est pourquoi, nombreux parmi eux ont pris l’option de développer d’autres mécanismes illicites de survie. Certains observateurs pointent aussi du doigt l’acculturation développée par certains jeunes originaires d’Uvira ayant raté l’immigration en République Sud-Africaine (RSA), comme un des facteurs-clés d’insécurité. De la RSA, certains parmi eux auraient observé et imitent aujourd’hui des pratiques criminelles qu’ils appliquent en ville d’Uvira pour se prendre économiquement en charge.

En troisième lieu, la criminalité s’expliquerait par les déficiences d’une bonne administration de l’appareil sécuritaire, judiciaire et pénitentiaire. Certains entretiens menés avec des prisonniers à la prison centrale Mulunge d’Uvira témoignent qu’il existe un réseau de détenus à qui certains officiers militaires en dispo (c’est à dire sans fonction) remettraient des armes pour leur permettre de commettre des vols la nuit. Ces prisonniers retourneraient ces armes à l’aube. Ceci montre clairement le dysfonctionnement de l’appareil judiciaire et pénitentiaire d’Uvira. En plus, ce dernier est marqué par l’impunité, le clientélisme ainsi que les soutiens abusifs des autorités étatiques dont bénéficient certains auteurs de crimes surpris en pleine fragrance.

D’autres observateurs pointent du doigt la position géostratégique d’Uvira et son impact sur la flambée de cas de vols et assassinats ciblés par des personnes porteuses d’armes à feu. Uvira étant une ville frontalière avec le Burundi (Bujumbura) où sévit depuis quelques années une instabilité politique chronique, offre directement une porte d’entrée aux criminels transfrontaliers, aux diverses cultures et comportements de nuisance (ou non), qui affectent profondément le vécu quotidien de la population. Réunis, tous ces facteurs engendrent le recours et la détention illégale d’armes à feu.

 

Recrudescence et baisse d’insécurité

Bien que ces derniers temps Uvira ait atteint l’apogée de cas de vol à mains armées, il existe des périodes de baisse de la criminalité. Qu’est-ce qui peut expliquer ces évolutions ?

La première flambée de cas de vols à mains armées fut observée entre 2002-2003, peu avant la réunification des forces et groupes armés issus des diverses factions rebelles, notamment le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) et d’autres nébuleux groupes Mai-Mai.  C’est à la suite de ratés de ce processus de réunification de l’armée nationale que certains ex-combattants probablement insatisfaits des conditions de leur intégration s’étaient livrés à cette sale pratique de criminalité urbaine.

En 2011-2012, la ville d’Uvira vécut encore une fois une hausse de criminalité, sous une nouvelle forme. À l’époque, les criminels se donnaient l’audace de marquer par la couleur rouge les habitations qu’ils avaient déjà visitées. Une façon pour eux d’intimider les populations en déterminant avec précision les ménages qui restaient à cambrioler dans les jours et nuits à venir.

Contrairement à la flambée de cas de vols à main armée connue dans les périodes précitées, il s’observait aussi des périodes de baisse sensible de la criminalité. On peut citer surtout la période de constitution des brigades intégrées et des bataillons intégrés et entrainés en 2006-2008. Qu’est qui était à la base de cette baisse?

En cette période,  la baisse sensible des cas de vols à main armée peut s’expliquer par l’implication des autorités nationales animées du souci de restaurer la sécurité et assurer la protection des civils et ce, à travers des bouclages et des arrestations de récidivistes longtemps cités par les victimes rescapées de la criminalité. D’autres facteurs ayant dicté la baisse de la criminalité furent la permutation de certains officiers militaires jugés inefficaces par la société civile locale et/ou qui étaient même accusés d’être de mèche avec les criminels dans la perpétration de cas de vols armés.  

La mobilisation des jeunes Balala Rondo (groupes de jeunes non-armés qui font des patrouilles nocturnes) est aussi un autre facteur ayant contribué à la baisse de l’insécurité. Sécurisant leurs milieux, ces jeunes comblaient ainsi le vide sécuritaire laissé par les forces de sécurité étatiques. Ces jeunes ont été efficaces lorsqu’ils œuvraient sous l’autorité des chefs des quartiers et du commandant militaire de la ville d’Uvira.  Enfin, le recours à la justice populaire impactait aussi à la baisse de cas de vol avec armes, car il donnait peur aux criminels d’être attrapé  et directement tué par la population.

Enfin, comprendre pourquoi les vols armés et le cambriolage dans la ville d’Uvira s’intensifient et diminuent selon le contexte peut nous aider à trouver des mécanismes qui peuvent amener à mettre fin, tant soi peu, à ce phénomène. Les solutions résident dans la bonne administration de la justice et de la sécurité ainsi qu’intensifier le contrôle aux frontières. Car même si le mouvement Balala Rondo et le recours à la justice populaire peuvent diminuer la criminalité, elles minent finalement l’autorité étatique qui devrait être renforcée pour rétablir la sécurité et la cohésion sociale.

 

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