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Vendre à perte ? L’insécurité des femmes vendeuses de Bukavu

Within the city of Bukavu—as elsewhere in the Congo—many women earn a living selling goods and produce at the market or in the streets. In this blog, Alice Mugoli explores the different types of insecurity to which these women are exposed. In particular, women who do not have a stall at the market but rather sell their ware on the streets—which is technically illegal—are often exposed to heightened insecurity. At times, the police engage in large-scale actions to drive them off the streets and in the process beat them, knock over their goods and trample on their produce. Some vendors also accuse the police of occasionally stealing their goods, in addition to the many thieves operating in the streets. Another source of insecurity are so called rastamen who work at the service of the market authorities to maintain order. In return, they are allowed to collect FC 200 (USD 0.12) per seller, which they also impose on the women selling their goods outside the market. This does not prohibit the rastamen from, at the same time, trying to chase these women away on the pretext that they are not allowed to sell their goods on the street. Despite all these difficulties, the urban authorities are making little effort to improve these women’s security. Constructing more markets to avoid so many women selling on the streets would be an important step in the right direction.

 

Des policiers renversant la marchandise d’une vendeuse sur le trottoir de SINELAC à Nyawera © Alice MugoliDans l’exercice de leurs activités commerciales quotidiennes, les femmes vendeuses de la ville de Bukavu sont régulièrement exposées à des situations d’insécurité. Elles se plaignent souvent de cela ainsi que des conséquences engendrées sur leurs activités quotidiennes. Selon ces femmes, les auteurs de cette insécurité sont notamment des policiers, des soi-disant «  rasta men », des conducteurs de véhicules, des enfants de la rue et d’autres petits voleurs.

Pour  écrire ce blog, nous nous sommes entretenus avec douze femmes vendeuses au marché de Nyawera et 6 vendeuses au Beach Muhanzi. Ces femmes nous ont partagé leurs expériences par rapport à leur situation sécuritaire actuelle.

 

Des relations tendues avec la police

Une vendeuse sur l’avenue Vamaro témoigne : «  Je suis mère de six enfants, je n’ai pas d’époux. Pour que mes enfants aillent à l’école, pour qu’ils trouvent la nourriture et les vêtements, je suis obligée de travailler. C’est ainsi que je me suis lancée dans la vente des souliers mais nous sommes harcelées par ces sales policiers. Ils sont des vrais voleurs, ils n’ont pas d’amour, ils n’ont pas de pitié.  Regarde celui-là qui vient de voler mes trois pairs de soulier et se dirige vers leur véhicule pour les garder, je ne peux plus avoir ces souliers. Quel bénéfice aurai-je encore ? C’est maintenant pour une perte que je travaille… ».

Les policiers deviennent surtout une source d’insécurité quand la mairie de la ville déploie ceux de la « section assainissement » pour déloger les femmes des trottoirs où elles étalent leurs marchandises. Aux yeux de ces femmes, ils les délogent souvent avec brutalité.  Des pertes de biens ainsi que la violence physique s’en suivent dans ces rixes avec les forces de l’ordre.  Les vendeuses qui essayent de résister sont traitées avec violence par les policiers qui leur donnent des coups de bâtons et des coups des pieds. Parfois aussi ces policiers renversent les marchandises et marchent dessus quand il s’agit de légumes. Pour le poisson, la viande, ou autres articles divers ils les confisquent et les vendeuses à leur tour payent des amendes pour récupérer leurs marchandises. En cas de non payement de ces amendes, les policiers s’approprient la marchandise.

Une vendeuse d’arachides sur la chaussée du marché de Nyawera témoigne : « nous souffrons avec ces meurtriers… Ils sont arrivés vers moi, un policier a pris ma marchandise et ses collègues voulaient m’arrêter pour qu’ils parviennent à  bien voler. J’ai résisté et ils m’ont libéré après avoir renversé le bassin contenant ma marchandise équivalente à 25 dollars…Ils nous déshabillent et nous laissent toutes nues, ils n’ont pas pitié de leurs mères, ce sont des voleurs et impolis ». 

Ces propos illustrent le comportement déplorable des policiers face aux vendeuses. Ces dernières sont traitées de manière inhumaine parce qu’elles renforcent l’existence des marchés pirates, pourtant prohibés par l’autorité urbaine. Néanmoins, elles se reconnaissent coupables mais se justifient par le fait qu’elles n’ont pas une place appropriée pour l’exercice de leurs activités.

 

Les rasta men et petits voleurs font peur

Le marché de Nyawera compte en son sein, un groupe de jeunes appelés « Rasta men ». Ils ont pour rôle principal, d’assurer la propreté du marché. Les vendeurs payent 200 Francs Congolais (FC) par jour pour le service rendu par ces jeunes. Pourtant, après leur avoir offert  cet argent, ces jeunes collaborent avec les policiers pour insécuriser les femmes. Selon les vendeuses, ces jeunes sont les plus brutaux. 

Une vendeuse de tomates s’est exprimée  avec émotion : « Ils sont toujours avec des gros bâtons et nous fouettent comme des petits enfants. Quand nous les voyons venir, ce sont les pagnes qui tombent, nos marchandises et pourquoi pas l’argent, volés par des inconnus étant donné que nous perdons directement le contrôle en voyant ces jeunes…nous ne savons plus quoi faire. Avant d’étaler nos marchandises, ils nous obligent de leur payer 200 FC pour la propreté du marché. Après avoir payé cet argent, ils viennent nous chasser sous prétexte que nous ne sommes pas à l’intérieur du marché. On se demande alors, pourquoi ils nous demandent de l’argent sachant que nous ne devons pas travailler ici ? C’est pourquoi nous pensons qu’ils collaborent avec les policiers et visent tous, leurs propres intérêts. » Ces propos traduisent une certaine collaboration entre les policiers et les rastas. Les mêmes effets se produisent donc, quand les policiers et les rastas sont à l’œuvre.

A côté des policiers et rastas, il y a aussi des petits voleurs à l’intérieur du marché tout comme sur les trottoirs. Ils profitent de ces moments de confusion pour emporter avec eux ce qu’ils peuvent.  Une vendeuse de fruits explique : « Quand les policiers ou les rasta perturbent l’ordre, nous sauvons ce que nous pouvons parce que nous ne pouvons pas réussir à courir avec plusieurs choses au même moment. Parfois, ce sont nos sacs, pagnes, et marchandises qui restent et pendant ce temps les voleurs font aussi leurs opérations. Un jour j’avais vu un voleur partir avec mon sac pendant que je protégeais ma marchandise. J’avais laissé la marchandise pour approcher ce jeune afin de lui demander mon sac mais ma grande surprise était qu’il me montrait aussi un couteau et me disait qu’il allait me poignarder… c’est seulement la souffrance dans ce marché, nous n’avons pas la paix ».

Les conducteurs  des véhicules, à leur tour, insécurisent ces vendeuses qui étalent leurs marchandises sur les trottoirs des marchés. Ils créent l’embouteillage et parviennent même à cogner certaines d’entre elles. Aussi, des marchandises (les poissons, les légumes, tomates,…) sont dénaturés lors de ces embouteillages qui conduisent aussi à une grande perte.

 

« Les femmes frontalières »

À part ces problèmes autour des marchés locaux, les vendeuses transfrontalières parcourent aussi une période très difficile. Ces femmes traversent le poste frontalier Ruzizi pour acheter les poissons au Rwanda afin de les vendre au Congo. Depuis qu’elles exercent ce commerce transfrontalier, ces femmes payent plusieurs taxes arbitraires auprès des services étatiques œuvrant à la douane. Malgré ces multiples tracasseries, elles ont quand même poursuivis leur lutte.

Le 6 février 2019, les vendeuses de poisson ont été formellement interdites de commercer au Rwanda. Étant donné qu’à Bukavu elles trouvent difficilement leur marchandise, ces femmes ont procédé par la fraude : elles avaient décidé de collaborer avec leurs collègues vendeuses pour faire passer les poissons après les avoir déballés. Entre le 13 et 14 février, les services douaniers (surtout la Direction Générale des Migrations, DGM) étaient déjà au courant de cette fraude. Ils ont ainsi instauré un système d’enterrement des poissons fraudés dans le sol. Plusieurs femmes estiment avoir perdu leur capital et ont, par conséquent, abandonné leurs activités. D’autres qui avaient encore du capital traversent le Rwanda sans passer par la frontière. Elles collaborent avec les piroguiers qui les aident à voyager très tôt le matin via la rivière Ruzizi. Ces vendeuses de poissons restent insécurisées parce qu’en passant par Ruzizi, elles parcourent beaucoup de risques elles-aussi.

 

Les autorités se taisent

Face à la situation sécuritaire difficile que traverse les femmes vendeuses les autorités provinciales et urbaines se taisent. Elles ne réagissent pas, ni n’envisagent des stratégies pour résoudre ces problèmes qui persistent. Toutes ces autorités soutiennent le slogan « non aux marchés pirates »,  mais ne montent pas des stratégies pour lutter contre ces marchés qualifiés  d’illégaux. Certaines femmes pensent que le président du marché de Nyawera est à la base de leur insécurité parce qu’au lieu de plaider en leur faveur, il collabore avec les policiers et les rastas qui les insécurisent davantage. 

Eu égard à ce qui précède, notre analyse pointe du doigt le fait que les rôles de différents acteurs sont complexes et ambigus. La mairie ayant l’attribution de construire les marchés, ne le fait pas mais envoie ses policiers pour déloger les vendeuses des trottoirs. Pour leurs intérêts, ces policiers aussi ne se limitent pas à la délocalisation mais sont auteurs d’abus de droits humains. Il en est de même des responsables du marché et des rastas qui visent aussi leurs propres intérêts.

Pour lutter contre tous ces problèmes, les vendeuses souhaitent que le gouvernement prenne des décisions en leur faveur. Elles ont besoin d’un marché pour un bon exercice de leurs activités commerciales. En plus, les vendeuses des poissons souhaitent une réaction urgente pour mettre fin à l’interdiction de l’importation du poisson. Avant tout, les vendeuses veulent que les tracasseries de services de sécurité s’arrêtent.

 

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This blog is made possible by the generous support of the American people through the United States Agency for International Development (USAID). The contents are the responsibility of the author and do not necessarily reflect the views of USAID or the United States government or the Rift Valley Institute.

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