In January 2015, the Congolese army launched the Sokola II operations against the Rwandan rebel group FDLR. In this blog, Juvénal Twaibu discusses the effects of these operations in the southern part of South Kivu—Fizi, Uvira and Mwenga territories. Sustaining limited casualties, the FDLR dispersed into the Hauts Plateaux mountains and Itombwe forest. Although destabilized, the FDLR continues to engage in numerous revenue-generating activities such as traffic in minerals and cannabis and work as day-labourers. Whilst keeping a low profile, its members have intimidated civilians whom they suspect to have collaborated with the Congolese army during the operations. More recently, they have entered into a conflict with the Mai-Mai of Mahoro, creating considerable tensions. As the Congolese military withdraws from the mountains after the operations, the population feels unprotected. The author concludes that military operations should be better planned in order to maximize their effect and minimize the risk to civilians and recommends that the FARDC stay in place for longer after the conclusion of operations against the FDLR.
La présence sur le sol congolais des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un mouvement armé des combattants Hutu rwandais créée en 1999/2000, remonte à la période post-génocide au Rwanda après 1994.[1] En République démocratique du Congo (Zaïre à l’époque), ces combattants commencèrent à se regrouper et à se réarmer dans les différents camps des réfugiés, voulant ainsi continuer la guerre contre le nouveau régime du Front patriotique rwandais (FPR) à Kigali, en lançant des attaques transfrontalières sur le Rwanda.
En 1996, les camps des refugiés Hutu furent démantelés suite à l’avancée de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL), créée et supportée par certains pays de la région, notamment le Rwanda et l’Ouganda.
Depuis le début des années 2000, les combattants FDLR et leurs dépendants étaient fortement intégrés dans les communautés congolaises dans les territoires d’Uvira et de Fizi au Sud Kivu, surtout dans les Moyens Plateaux de Mulenge (Uvira) et à Kilembwe (secteur Lulenge, Fizi). Ils s’adonnaient à de nombreuses activités pour assurer leur survie, notamment l’exploitation artisanale des minerais à Kitopu et Miki (forêt d’Itombwe), la culture et la commercialisation du chanvre indien dans les Hauts Plateaux d’Uvira et Mwenga, le braconnage, le petit commerce et l’agriculture, devenant ainsi des fournisseurs de produits vivriers pour les populations d’Uvira et Fizi.
Malgré que ces relations de cohabitation ne manquaient pas de poser des problèmes en termes de taxation illégale et extorsions diverses sur les populations locales, elles furent aussi marquées par une relative stabilité. En effet, certains membres FDLR s’étaient même mariés aux femmes Congolaises, ou le cas échéant, les forçaient à ce genre d’union.
Cependant, les dynamiques de cohabitation entre les populations locales et les FDLR changèrent de nature à la suite du lancement par l’armée nationale congolaise (FARDC) des opérations militaires Kimia II (silence) et Amani Leo (paix aujourd’hui) en 2009 et 2010. Celles-ci contraignaient les FDLR à se retrancher dans les forêts, surtout celle d’Itombwe, ces derniers menant par la suite des attaques sur les villages. Après le départ des FARDC en 2013, ils se sont réinstallés dans la localité de Mulenge 1er (Chefferie des Bafuliiru/Uvira).
En janvier 2015, les FARDC lancèrent une autre opération contre les FDLR, dénommée Sokola II (nettoyer). Lors de nos recherches de terrain en octobre 2015 dans les Moyens Plateaux, il ressort que les FDLR ne sont plus à Mulenge 1er. Selon les sources contactées, ils n’avaient pas résisté aux opérations Sokola II et battirent en retraite jusque dans la forêt d’Itombwe (Mwenga).
A la suite de Sokola II, bien que des groupuscules mobiles des FDLR se retrouvent par-ci et par-là, d’autres sont installés dans les villages environnants Kilembwe et Lwiko au sud du territoire de Fizi et dans les hauteurs des localités de Kitoga, Lubuga et Lubumba (territoires d’Uvira et de Mwenga) ainsi qu’à Kangovwa, Mbandakila, Miki, Kitopu. D’autres enfin étaient quelquefois aperçus dans la localité Muhuzi (territoire de Mwenga).
Force est de constater qu’à la suite de Sokola II, les FDLR forment les quatre catégories suivantes :
a) Les dépendants et réfugiés
Ce sont les populations civiles Hutu. Ils restent toujours sous l’emprise des combattants FDLR et tous leurs mouvements sont étroitement surveillés à la fois pour des raisons sécuritaires et pour qu’ils ne puissent pas s’enfuir.
Alors que depuis 2014, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés et la Commission Nationale de Réfugiés avaient construit divers Postes de Rassemblement (PR), l’un à Mulenge 1er et l’autre à Nyangezi (Chefferie de Ngweshe/Walungu) pour identifier les volontaires au retour au Rwanda parmi les FDLR, et leurs dépendants, ces postes sont vides depuis le lancement de Sokola II. Néanmoins, le PR de Fizi, près de Baraka, a vu leur nombre augmenter comme certains réfugiés se disent être fatigués de vagabonder dans la brousse.
b) Les FDLR commis à la sécurité des civils
Cette sous-unité est essentiellement composée de combattants. Ils sont organisés en ‘boucliers de sécurité’ pour évacuer les civils (femmes, vieux et enfants ) au cours d’attaques, mais aussi pour chercher de la nourriture, des vêtements et des médicaments. C’est cette sous-unité qui excelle dans les pillages des biens et produits de première nécessité. En temps de stabilité, elle se transforme en groupe de travailleurs à la tâche et en main d’oeuvre agricole pour les populations congolaises locales.
c) Les débrouillards
Ce groupe est composé d’hommes d’affaires, surtout des exploitants miniers, des creuseurs et trafiquants. Ils sont installés à Miki et Kitopo (Itombwe/Mwenga) où ils exploitent et trafiquent la cassitérite et l’or. D’autres trafiquent le chanvre à partir de Muhuzi/Luindi (Mwenga).
d) Les guerriers
Ce sont les combattants et officiers militaires. Ils mènent des incursions sporadiques dans les villages, y menacent les habitants en représailles aux attaques des FARDC à leur encontre. Ce fut le cas en avril 2015 dans les villages Kihinga, Kitigalwa et Bushajaga (Mulenge/Uvira). Cette situation fit suite à la colère des FDLR de voir les FARDC récolter leurs champs juste après leur départ. D’après les combattants FDLR, ce seraient les populations locales qui auraient orientées les FARDC dans ces champs.
Toutefois, suite aux activités de plaidoyer menées par les leaders coutumiers de la contrée, le cycle des menaces observées dans la zone a diminué. Selon un habitant : « … il fallut rappeler aux FDLR que ce n’est pas la population qui organisait les opérations contre eux mais plutôt les militaires FARDC. En plus, ils cohabitaient pacifiquement avec cette population lors qu’ils vivaient, avant Sokola II, à Levwe, une colline locale ».
Pour le moment, le mode de vie des FDLR et celui de leurs dépendants se focalise sur l’agriculture et le petit commerce. Certains cultivent leurs propres champs et d’autres travaillent pour le compte des tiers qui leur payent au prorata des prestations fournies. D’autres encore sont payés pour le transport de planches et de bambous ou gardent les vaches dans les kraals d’éleveurs Banyamulenge. Cependant, les FDLR s’improvisent parfois aussi dans les marchés hebdomadaires (comme à Kitoga/Mwenga) où ils imposent des taxes aux trafiquants.
Bien que selon les dires des chefs locaux, jusqu’en octobre 2015, les FDLR visibles dans les environs de Kitoga n’aient pas commis d’actes de violence armée, cette situation a changé en décembre 2015. Des hostilités entre FDLR et des combattants du groupe Mai-Mai Mahoro (un Munyindu) éclatèrent, causant un mort parmi les FDLR à Muhuzi. Depuis lors, les deux groupes se livrent régulièrement à des violations des droits humains.
Concluons ce blog par une recommandation à l’autorité étatique. Celle-ci lance un appel dans le sens de bien planifier la réalisation des opérations de traque de tout groupe armé, surtout dans les zones enclavées, de manière à éviter le départ de l’armée régulière juste après ces opérations. Un départ, longtemps décriée, expose toujours les populations civiles à des représailles des miliciens, notamment les FDLR. En outre, elle affaiblit le succès des opérations en permettant aux groupes armés de se ravitailler et de réoccuper leurs anciennes positions. C’est notamment pour cette raison que des opérations militaires, telles que Sokola II n’ont jusque-là pas réussi à mettre un terme au phénomène FDLR dans le sud du Sud Kivu.
Notes
[1] Pour un bref historique, voir DRC Affinity Group, ‘FDLR: Past, Present, and Policies’, Social Science Research Council, 24 March 2014.