Selon le premier World Internal Security Police Index (WISPI) de l’année 2016 publié cette année, un index qui classe les institutions policières du monde selon quatre critères (capacité, procédures, légitimité, résultats), la Police Nationale Congolaise (PNC) de la République démocratique du Congo (RDC) a pris l’avant dernière position sur une liste de 127 pays. Les observateurs pourraient dire que cela n’est guère étonnant. En effet, dans le contexte politique actuel, la PNC s’est illustrée par sa capacité de répression violente contre des manifestants souvent pacifiques réclamant le respect de la constitution et l’alternance depuis la fin officielle du deuxième mandat du Président Kabila le 19 décembre 2016.
À première vue, donc, en voyant les unités anti-émeutes, on pourrait penser que le travail de police en RDC implique la répression plus que la protection des citoyens et de leurs biens. Pourtant, celles-ci ne sont pas les seules unités constitutives de la PNC. Nombreux travaillent au sein de la police territoriale et dans d’autres unités spécialisées comme la Police de Circulation Routière (PCR), la Police des Frontières, la Police des Mines, et autres. Leur travail quotidien se fait aux côtés de la population, et pour la plus part sans violence majeure.
Le but du projet pilote « Polisi Siku Kwa Siku » (La police au quotidien) est d’offrir une meilleure compréhension du travail quotidien de ces policiers dans la ville de Bukavu dans l’est de la RDC. Il se voudrait une étude originale sur la PNC, abordant des aspects non encore explorés jusque là,1 et dont l’analyse pourrait aboutir à des conclusions non seulement pertinentes pour le secteur de sécurité—et sa réforme—à Bukavu ou en RDC, mais aussi pour d’autres contextes similaires à travers le monde. Deux questions orientent la recherche : Comment se fait le travail de la police dans les rues et commissariats de Bukavu ? Et comment les réponses à cette question peuvent-elles être intégrées d’une manière réfléchie dans la programmation de la réforme de la police ?
Dans les prochaines semaines, le projet publiera une série de trois blogs qui essayent de s’approcher des luttes quotidiennes de la vie policière. Il est bien connu que les policiers au Congo ne sont guère payés, qu’ils tracassent la population et que leurs conditions de travail et de vie sont, en général, déplorables. Mais quel est l’impact de cette situation sur leur vie journalière ? Chacun des trois blogs voudrait répondre à cette question en faisant la lumière sur des aspects spécifiques de la vie policière : gagner sa vie au sein de la police ; mener cette vie et rester motivé; et l’uniforme du policier comme baromètre de sa valeur dans la société.
Les blogs se basent sur plus de 17 heures de conversations enregistrées en octobre et novembre 2017, fruits d’entretiens à répétition avec huit policiers et deux policières, et sur trois discussions en groupes rassemblant vingt-cinq policiers dont deux femmes, à travers trois différents commissariats de la ville. En plus, le projet s’enrichit par les recherches de doctorat sur la PNC à Bukavu de Michel Thill à l’Université de Gand et financées par le Fond de Recherche National du Luxembourg (FNR), et des années d’expérience de recherches pratiques dans le secteur de sécurité de Josaphat Musamba et Robert Njangala.
« Polisi Siku Kwa Siku » est un projet financé par le Knowledge Management Fund (KMF) de la Knowledge Platform for Security and the Rule of Law (KPSRL), une plateforme néerlandaise qui s’engage à contribuer davantage en terme du savoir et des connaissances afin d’informer la programmation des politiques dans le secteur de la sécurité et de la justice. Le projet travaille en partenariat avec le Groupe d’Etude sur les Conflits et la Sécurité Humaine (GEC-SH), basée à Bukavu, et avec le Rift Valley Institute (RVI), basé à Nairobi. Les équipes de ces trois organisations ont contribué considérablement à ce projet. Finalement, sans le soutien généreux de la PNC de la ville de Bukavu et des douzaines de policiers qui ont pris le temps de parler avec nous, souvent pendant des heures, ce projet n’aurait pas été réalisable. Nous leur devons un grand merci.
Notes
1. Parmi les exceptions sont: Baaz, Maria Eriksson et Olsson, Ola (2011). ‘Feeding the Horse: Unofficial Economic Activities within the Police Force in the Democratic Republic of the Congo’. African Security 4(4): 224–225 ; Thurman, Laura (2017). ‘Somewhere Between Green and Blue: A Special Police Unit in the DRC’. In Police in Africa: The Street Level View, ed. by Beek, Jan et al. London: Hurst, 121-134; De Goede, Meike (2008). ‘Public and private security in post-war Democratic Republic of Congo’. In The Private Security Sector in Africa, ed. by Sabelo Gumedze, ISS Monograph Series 146 (July): 35-68; Kahola, Olivier (2006). ‘Une semaine d’enquêtes ethnographiques dans les commissariats de Lubumbashi’. Civilisations 54(1/2): 25-32; Batumike Banyanga, Eric (2017). La criminalité à Bukavu, 1994-2016. Mémoire, Bukavu: Institut Supérieur Pédagogie; Kakudji Mbavu, Edmond (2001). La police et le maintien de l’ordre public au Congo-Kinshasa, 1965-1997. Thèse, Ottawa: University of Ottawa; Imbwatcheke Bofonga, Emmanuel (2012). Title unknown. Mémoire. Kisangani: University of Kisangani.